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Impact de la réforme pour les exploitations en Hautes-Pyrénées

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Quels impacts de la réforme pour les exploitations des Hautes-Pyrénées ?

Le département des Hautes-Pyrénées est marqué par la grande diversité de son agriculture. La mise en œuvre de la prochaine programmation de la PAC en 2023 n’aura pas les mêmes conséquences selon les systèmes d’exploitation et de productions.

Cette analyse repose ainsi sur 6 systèmes d’exploitations professionnelles (cas types) sur la base des déclarations de surface 2020 (source DDT65) : grande culture spécialisée en plaine et coteaux en système irrigué, polyculture hors-sol volailles en coteaux, polyculture bovin viande non transhumant en coteaux, polyculture bovin lait spécialisé, bovin viande transhumant, ovin viande transhumant. Pour chaque système nous avons éclairé deux orientations :  

  • Les TENDANCES d’évolution à moyen terme   
  • Les ENJEUX pour les systèmes, pour les territoires qu’ils font vivre, pour les filières qu’ils fournissent.

Grandes cultures spécialisées

Naturellement ces systèmes sont essentiellement présents en plaine et sur les coteaux. La part de ces exploitations est croissante dans la représentation agricole départementale par conversion des systèmes d’élevage notamment.

Sur une surface de 85 ha (le double que la moyenne départementale) ces systèmes sécurisent leur production avec l’irrigation sur au moins 70 % de la SAU. La PAC va sensiblement baisser de 1 000 € environ de par la convergence des DPB. L’adaptation du système aux Éco-régimes va générer une évolution des assolements vers des productions moins rémunératrices impactant donc l’EBE à la baisse. On ne connaît pas le contour des MAE qui seront déployées sur ces territoires, mais ces mesures peuvent représenter un levier d’accompagnement d’autant plus pertinent que la production est soumise à des aléas (si la part d’irrigation est faible).

Outre la production, l’enjeu majeur reste les marchés, leur volatilité et la capacité des exploitations à sécuriser leur commercialisation. Le défi technique pour ces systèmes sera majeur (phytos, gestion de l’eau, qualité des produits, règles environnementales, coûts des intrants) pour les années à venir. L’agrandissement semble inéluctable, et la pression réglementaire vers la diversité des assolements voire la rotation des cultures ne fera qu’accélérer ce phénomène. La performance environnementale de ces systèmes passe par des investissements en équipements onéreux, facteur de fragilisation supplémentaire. De même, l’évolution vers la BIO nécessite des préalables de parcellaires (désherbage mécanique), de qualité des sols (contrainte majeure des sols caillouteux), d’équipement voire d’irrigation que nombre d’exploitations ne pourront pas franchir

Polyculture hors-sol

Très proche du cas précédent, ces systèmes de cultures souvent moins performants car situés sur des terres à moindre potentiel avec un accès à l’irrigation moindre et donc des aléas de culture plus fréquents. Le hors-sol est venu sécuriser ces systèmes avec un EBE quasi identique mais sur un volume de travail plus important.

Les enjeux sur la gestion des aléas climatiques et de marchés, sont les mêmes avec un handicap de ciseau des prix beaucoup plus fort : quand le prix des céréales augmente, la rentabilité du hors-sol baisse de par la progression du prix des aliments non compensable par une augmentation du prix des ventes. 

Par ailleurs, sur le hors-sol, la pression sociétale sur le bien-être animal va imposer une mutation vers des systèmes plein air qui ne seront pas possibles pour tous (disponibilité d’espace à proximité des bâtiments). L’aménagement du territoire pour la création d’activité d’élevage plein air compatible avec les exigences sociétales est un enjeu majeur pour l’avenir des filières de volailles, de porcs et de palmipèdes que l’agriculture ne pourra pas porter seule. 

La tendance sera là aussi à l’agrandissement et à la recherche de productivité du travail pour contraindre le recours à la main-d’œuvre salariale difficilement finançable avec ce niveau de rentabilité. 

Polyculture bovin viande non transhumant en coteaux

Ce système de production est communément loué par toutes les instances pour ses vertus d’équilibre pour la gestion des paysages, des ressources naturelles, de la biodiversité…Tant de vertus et aussi peu de rentabilité chez nous et partout en Occitanie. C’est dire l’absence de prise en compte par les politiques publiques et l’absence de mécanismes de compensation nécessaires à l’obtention d’une rentabilité minimum pour assurer le renouvellement de ces systèmes. Le fort taux de cessation aujourd’hui constaté, ne sera pas freiné par la réforme 2023 qui n’apporte aucune réponse structurante à ces systèmes, ni en terme financier, ni en termes de règlementation. 

Deux tendances se dégagent :

  • de nombreuses cessations de l’élevage pour aller vers de la végétalisation d’espaces (remplacement des prairies par des cultures) à forts risques agronomiques et environnementaux conjointement avec de la pluriactivité 
  • des agrandissements et de la spécialisation quand les conditions d’exploitations sont favorables (faible morcellement, capacité financière, sécurisation alimentaire) avec notamment une bonne capacité de pousse de l’herbe (risque sécheresse) et une facilité à gérer de grands lots d’animaux. 

Le développement de ces grandes unités extensives nécessitera un foncier dont la valeur de marché s’approchera de la valeur économique. Aujourd’hui le marché du foncier dans notre département reste le plus cher d’Occitanie au regard de la rentabilité des exploitations qui le valorise.

Polyculture bovin lait spécialisé

Déjà devenus marginaux avec les très nombreuses cessations depuis les années 2000, ces systèmes éprouvés par la crise de 2008 puis 2014, n’ont jamais retrouvé une rentabilité suffisante pour attirer des vocations. 

La réforme de la PAC 2014 leur a fait perdre entre 25 et 40 % des aides suivant leur niveau d’intensification et l’accès à l’ICHN. La réforme 2023 va encore les éprouver en baissant encore leur dotation. 

Les solutions sont bien sûr sur l’autonomie alimentaire et notamment protéique, la réduction des charges quand c’est encore possible et sans introduire des risques supplémentaires. Les performances techniques de nos exploitations sont plutôt bonnes en comparaison avec nos homologues d’Occitanie, mais nous gardons un déficit de productivité qui ne permet pas d’atteindre un seuil de viabilité suffisant pour assurer la durabilité de ces systèmes.

Les cessations laitières iront pour la plupart vers de la végétalisation des surfaces avec toutes les incidences sur la déstructuration des réseaux de services locaux indispensables à toutes les autres activités agricoles. 

Les systèmes de demain ne peuvent qu’être très spécialisés, dans le cadre de schémas sociétaires pour gérer l’astreinte et avec un très haut niveau de performance technique.

Bovin viande transhumant

Après de longues années de difficultés économiques chroniques, les systèmes montagnards bénéficient des effets des réformes de la PAC de 2008 et surtout 2014.

Sur des dimensionnements de systèmes encore modestes en comparaison à la moyenne régionale (70 vaches en moyenne), ces systèmes restent très économes en intrants. Par contre, les efforts de modernisation des infrastructures sont importants et compensent un peu le retard pris dans les années 90/2000.

La réforme 2023 n’apporte pas de bouleversement majeur. L’enjeu essentiel pour le département repose sur le maintien de la gestion collective des espaces pastoraux, levier essentiel de mutualisation de la ressource pastorale et de lutte contre la privatisation des espaces.

Dans un contexte de soutien public fort, le maintien des objectifs zootechniques sur ces systèmes est un impératif pour assurer le fonctionnement de nos filières et poursuivre le travail de relocalisation de la consommation de produits locaux.

Ovin viande transhumant

L’analyse est très proche de celle que l’on fait sur les systèmes bovins. Les enjeux de la réforme sont faibles, mais le nécessaire maintien des objectifs zootechniques est une nécessité pour maintenir nos filières et pour garantir une capacité d’adaptation à des réformes de politiques publiques qui pourraient remettre en question peu ou prou des soutiens actuels.

Vers où va-t-on ?

Le département des Hautes-Pyrénées a construit un modèle agricole qui a permis depuis les années 70 de faire vivre de nombreux paysans de leur travail au travers d’un modèle intensif en main-d’oeuvre autant avec du hors-sol qu’avec du lait ou du veau sous la mère. Ce modèle est aujourd’hui en grande souffrance car en décalage avec un cadre sociétal qui a évolué alors que notre modèle n’a pas vraiment su s’adapter. Longtemps en posture de résistance « en attendant que ça aille mieux » les exploitations de notre département sont aujourd’hui dans une impasse et dans l’obligation de CHANGER de modèle. 

S’ADAPTER à la PAC ne suffira pas à trouver une nouvelle voie pour notre agriculture départementale. Mais la question agricole ne peut pas être que le fait des paysans dans un département rural comme le nôtre. Outre les paysages, leur valeur marchande pour le tourisme, ce sont tous les services dans nos territoires qui sont menacés, nos filières, notre image, un pan de notre culture.

La question de la mutation agricole du département est une problématique sociétale et renvoie à ce que l’on souhaite voir sur notre espace pour nos enfants.